À la guitare, Jean-François Pauvros fore l'espace sonore à coup de déflagrations abyssales. Sur ses machines électroniques Jean-Marc Foussat se démène comme un diable, appuyant ses bidouillages bruitistes de glapissements et autres borborygmes, tandis que le batteur Makoto Sato s'acharne sur ses toms avec un entrain réjouissant.
Complètement improvisée, la musique de Marteau Rouge investit l'instant, le façonne en profondeur dans une tension partagée.
Hugues Le Tanneur (Aden)
S. Haluk (Jazz Magazine)
R. Robert
Gérard Rouy
Chronique d'un concert de Marteau Rouge :
Quand je suis allé voir Marteau Rouge, jétais mal ...
Jentre, et puis après mavoir offert du vin, du poisson et
des petits gâteaux au sésame, on minvite à prendre
place.
En face de moi, un trio.
À ma gauche un grand corps, comme une sorte de grand christ pré-gothique,
une verticalité sonore : un guitariste puisquà mi-corps
un objet tient encore, qui évoque une guitare.
À droite un être concave gesticulant, penché sur des pupitres,
des consoles, autour desquelles voisinent des rangées de cassettes chacune
soigneusement titrées et toute une série de jouets denfants.
Mais pourtant lessentiel du jeu de cet acteur là serait quand même
la voix, miaulements, cris de souffrance, évocations urbaines ou galactiques
qui sextériorisent en direction du reste de la scène. On
nentendra jamais les véritables sons de tout ce bric à brac
puisquils seront systématiquement torturés par des machines
électroniques.
Pendant tout ce qui est vécu comme la première partie du spectacle,
ces deux êtres singénient à minterdire absolument
dentendre de la Musique : ils sexpriment dans un registre
totalement différent, que je ne peux pas encore définir.
Et cette concavité tournée vers le centre buterait inexorablement
sur la verticalité évoquée auparavant, si au centre nofficiait
un véritable musicien : un musicien faisant dans lharmonie et la
mélodie, un batteur Néo-bop très classique, très
musical où je me retrouvais parfaitement.
Lui fait de la musique.
Les autres font des sentiments je dirais...
Si je compte la totalité de la représentation dans le temps, je
dois dire quil ma fallu quelque chose comme le tiers de ce temps
pour intégrer la convention qui pouvait me permettre dentrer dans
le vif du sujet, dans le propos des trois musiciens.
Il faut laccepter, on se torture à vouloir laccepter et finalement
on y arrive, soulagé.
Et cest là que toute la perversité de Marteau Rouge sexprime parce que, à peine a-t-on accepté
la convention que soudain le guitariste, Jean-François
Pauvros, casse toute cette construction intérieure que lon
vient de se créer.
Il casse tout ça en produisant simplement quelques notes, des vraies
notes, des notes musicales.
Et pendant un bref instant on est complètement déstabilisé,
on ne comprend plus rien à ce qui se passe, on est renvoyé brutalement
au monde davant, celui dont on vient de sextirper à grand
peine, et il faudrait déjà y retourner, oublier tout ce travail
que lon vient de faire sur soi-même, travail quasi analytique, qui
nous a coûté et qui en un éclair est réduit à
néant.
Le batteur, Makoto Sato, nest pas surpris
pour autant, alors que le bruiteur, Jean-Marc Foussat,
semble exulter, mais dès lors, lessentiel de son travail va être
de ruiner à son tour ce caprice musical par des croches pieds sonores,
des invectives répétées, et jusquà la fin
du spectacle, parce que lon peut vraiment parler de spectacle, il va y
avoir comme ça une sorte de zapping permanent, un déhanchement
scénique entre des velléités musicales et des retours
à lordre.
Lessentiel de Marteau Rouge consiste en un
retour à lordre fondamental, un ordre pré-cosmique, un rappel
lancinant des lois du Chaos où le spectateur peut apporter sa part, une
part tellurique, car en se faisant chambre décho de tout ce qui
peut se passer dans les profondeurs du monde joué face à lui,
il peut sy plonger totalement.
Marteau Rouge nous offre la vision dun macrocosme
flottant, sans colonne vertébrale apparente, où évolueraient
des entités séparées, des sortes de singularités
irréductibles les unes aux autres, trois univers qui séparément
et simultanément, selon la loi du développement inégal
et combiné, cohabiteraient pour le plus grand bonheur souffrant de spectateur,
trois mondes qui se donnent en même temps.
Jean-Claude Vuarchère
(peintre)